Les lourdes répercussions allemandes de la mort annoncée du diesel

Dix millions de voitures diesel et deux millions de camions ne répondent pas à la nouvelle norme Euro-6 et sont concernés par la décision du tribunal administratif fédéral de Leipzig qui permet aux villes d’interdire leur circulation. Or, dans trente-cinq grandes villes allemandes, les émissions de dioxyde de carbone ont dépassé les limites officielles admises.

Si l’on veut mesurer l’ampleur de la catastrophe qui vient de s’abattre sur l’industrie automobile et l’économie allemande, il faut prendre en compte que 800.000 emplois en dépendent et que les exportations d’automobiles sont au premier rang, devant les produits chimiques et les machines-outils. Par ailleurs, la chasse au diesel est engagée dans la plupart des grandes métropoles, selon un calendrier plus ou moins rapproché. Dernière en date, Rome en 2024.

Une facture est présentée à l’industrie automobile allemande, qui n’est pas dans ses moyens. « Je ne veux pas dire là que je l’exclus », a toutefois déclaré le président du directoire de Volkswagen, Matthias Müller, le dos au mur, lors d’un rassemblement des constructeurs automobiles. Le constructeur, qui a déjà dû payer 25 milliards de dollars d’amende aux États-Unis, chiffre le montant unitaire de la mise aux normes des véhicules concernés de 1.500 à 7.000 euros. Le cabinet Evercore ISI estime que la mise en conformité des six millions de véhicules à la norme Euro-5 pourrait coûter jusqu’à 14,5 milliards d’euros.

Le tribunal de Leipzig a envoyé la balle dans le camp des villes, à qui incombe la responsabilité d’interdire la circulation des diesels non conformes. Mais celles-ci sont sous la pression de la petite association environnementale Deutsche Umwelthilfe, dont la plainte est à l’origine de sa décision. Des dizaines d’action ont déjà été engagées, dont certaines gagnées contre des villes comme Stuttgart – la patrie de Mercedes, Porsche, Daimler et de Bosch – et Düsseldorf.

Une réaction quasi-hystérique a suivi l’annonce de la décision parmi les politiciens et les éditorialistes des médias, en raison de ses conséquences. Les voitures non conformes vont être dévalorisées, et les banques et compagnies de leasing atteintes. D’une manière ou d’une autre, il va falloir assurer le surcoût de la mise aux normes des véhicules, ou de leur remplacement. Pas une petite affaire pour le transport routier, en raison de son rôle dans l’économie allemande. La situation n’est pas plus exaltante pour les voitures : de très nombreux allemands vivent en banlieue et en sont dépendants pour aller travailler ou faire leurs courses, et ce ne sont pas les plus fortunés.

Le coup qui vient d’être porté à l’industrie automobile est sévère. Elle est prise à contrepied, après avoir dans un premier temps triché sur ses émissions de CO2, tout en jouant les prolongations pour retarder l’avènement de la voiture électrique. Il va sérieusement affecter l’économie allemande et mettre en cause son modèle. Et l’électorat populaire va trouver une nouvelle raison de délaisser le SPD au profit de l’AfD d’extrême-droite.

6 réponses sur “Les lourdes répercussions allemandes de la mort annoncée du diesel”

  1. @ François Leclerc.

    « … Et l’électorat populaire va trouver une nouvelle raison de délaisser le SPD au profit de l’AfD d’extrême-droite… »

    Bonjour François, toute mes félicitations et la réussite à votre initiative, à vouloir perpétuer l’ambiance qui existait sur le forum de Paul Jorion.

    Sur ce billet vous semblez vous faire le porte parole des constructeurs automobiles allemands et les difficultés qu’ils devront rencontrer si le diesel doit être bannit de nos cités.

    Mais quel rapport avec le SPD ? Pourquoi le fait que les classes populaires devraient abandonner le diesel ferait que cela les rapprocheraient de l’extrême droite ?

    Sans doute voulez-vous dire que puisque le SPD va former un gouvernement dans les prochains jours avec Merkel, et que ce gouvernement sera considérer responsable par le peuple allemand des mesures écologiques de salut public décidées lors de la Cop 21, que la croissance allemande peut s’en ressentir, ce parti de gauche va continuer sa descente aux enfers.

    Mais de toute façon, avec ou sans diesel, cela sera le cas.

    Aussi attendons la fin de ce week end. Peut être que le parti SPD, consulté comme nous le savons, va-t-il refuser la ligne proposée par sa direction.

    En ce cas je ne vois pas pourquoi les classes populaires reprocheraient quoi que ce soit de plus au SPD.

    1. L’extrême droite sert parfois de refuge des classes populaires lorsqu’elles sont atteintes, devant faire face à la mise aux normes de leur voiture ou son remplacement, celle qu’elles revendent dévalorisée !

      1. L’extrême droite va maintenant servir de refuge aux classes populaires en Allemagne, puisque le corps du SPD vient de se suicider collectivement et démocratiquement.

        Mais n’oublions pas quand même que ce suicide est conditionné par le refus invraisemblable de la tendance gauche du SPD, de la gauche à la gauche du SPD, de la gauche européenne et mondiale, à ouvrir toute perspective socialiste, radicale, ouvrière, révolutionnaire, historique.

        Sur la scène politique mondiale ne reste plus que des conservateurs en guerre contre le diesel des pauvres, contre les pauvres, et des réactionnaires qui vont pouvoir à loisir faire ce qu’il font de mieux, à savoir de la démagogie nationale.

        Tout compte fait, le réflexe qui aura poussé les adhérents SPD à un vote final conservateur aura été une conscience nationale exacerbée au détriment d’une conscience de classe refoulée.

        Nous baignons dans le paradoxe.

        Face aux attaques d’un Trump, il fallait bien au pays un gouvernement !

        Rien de nouveau sous les ponts, les mécanismes politiques en cours sont exactement les mêmes que ceux du siècle dernier.

        Mêmes causes mêmes effets !

        Heureusement que François et Paul sont toujours là, à ouvrir une petite fenêtre de lumière, alors qu’il est déjà minuit dans ce nouveau siècle.

  2. À priori, la voiture électrique ne résout malheureusement quasiment rien globalement… Et « l’électorat populaire » ou pas, devrait la délaisser au profit du vélo, à assistance électrique ou pas ! 🙂

    1. … »À priori, la voiture électrique ne résout malheureusement quasiment rien globalement« … surtout si l’on continue dans la condamnation sans nuance des moyens actuels de production (nucléaire compris)…d’autant plus qu’à défaut de technique de stockage ( et , surtout, n’oublions pas..à défaut de [ stockage + vitesse extrêmement variable de débit=sortie ] en fonction de la demande du parc consommateur aléatoirement fluctuante ) de l’énergie produite par les renouvelables actuels , je vous laisse imaginer le chaos vespéral lorsque des millions d’ « automobilistes électriques » européens brancheront la prise familiale de recharge entre 18 et 20h ..
      On se demande finalement pourquoi les producteurs actuels d’énergie électrique continuent à faire l’impossible pour éviter tout « black-out »… quelques-uns(disons 3 consécutifs) d’entre eux pouvant servir d’excellente leçon pour « voir » les réactions « citoyennes » réelles! Un électro-choc peut-être salutaire?

  3. « Le cabinet Evercore ISI estime que la mise en conformité des six millions de véhicules à la norme Euro-5 pourrait coûter jusqu’à 14,5 milliards d’euros. »

    Pas insurmontable comme somme quand on sait que Volkswagen a en 2017 doublé son résultat net pour atteindre 11,4 milliards d’euros. On pourrait peut-être demander un « petit effort » effort aux actionnaires?
    Bien sur la Basse Saxe, actionnaire de référence de Volkswagen, aurait certainement quelques problèmes budgétaires et alors…

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